Rapport des délégués du gouvernement espagnol concernant le camp principal de Quedlinburg¹

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"Quedlinburg (Province de Saxe)
Visite du 15 janvier 1917

Ce camp renferme aujourd'hui, 15 janvier 1917:
1.127 Français, 2.141 Russes, 26 Belges et 125 Anglais.

Les prisonniers français nous ont exposé ce qui suit:
1° Les hommes sont obligés de payer les frais de correspondance et le port des colis pour Les détachements de travail;
2° On retient sur les salaires des prisonniers qui travaillent dans les détachements la valeur des vêtements et du linge de dessous qu'ils usent dans leurs travaux;
3° Les prisonniers ne sont pas autorisés à envoyer de l'argent à Berne pour l'achat de vivres, alors qu'ils ont lu dans le bulletin-circulaire n°22 de cette ville, qu'à concurrence de 40.000 francs des produits alimentaires et des effets d'habillement avaient été adressés aux camps allemands;
4° Dans les cellules, où ils subissent la prison, les prisonniers restent trois jours sans manger et ne reçoivent que de l'eau chaque matin et le quatrième jour la ration ordinaire leur est servie; en outre, si le médecin qui les visite chaque jour reconnaît qu'ils peuvent résister, ils continuent à être soumis à ce régime de famine;
5° Certains prisonniers, qui étaient proposés pour l'internement en Suisse, sont retenus dans ce camp, sous prétexte de représailles, en raison des mesures prises depuis quelque temps par les français à l'égard des prisonniers allemands en arrière de la ligne de feu;
6° Le théâtre est fermé et les hommes n'ont aucune distraction; ils manquent d'espace pour pouvoir jouer en plein air, se promener en commun, et les délégués du Comité de Secours ont des difficultés pour circuler parmi les groupes. Les prisonniers ont demandé l'autorisation de faire des cours de langue étrangères et on la leur a refusée;
7° Ils sont très inquiets, parce qu'ils ont entendu dire qu'ils allaient être transférés dans d'autre camps par mesure de représailles;
8° Les hommes sont quelque peu entassés, et l'on dit que c'est ne vue d'économiser le charbon;
9° Ils ont remarqué, à plusieurs reprises, que des vivres avaient été soustraits des colis et des dons reçus;
10° Ils ne sont pas autorisés à recevoir du vin de France; par contre, ils peuvent en acheter à la cantine à raison de 3 marks la bouteille;
11° Enfin, les prisonniers désirent que le Gouvernement français sache que si de nombreux sous-officiers consentent à travailler "volontairement", c'est par crainte de se voir de nouveau infliger le même traitement que l'année dernière, lorsqu'on les sépara de leurs compagnons et qu'on fit tout ce qui était possible pour exercer sur eux une pression continue en vue de les obliger à travailler.

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Les installations du camp sont dans le même état que lors de notre dernière visite. Les prisonniers sont réellement un peu entassés dans les baraques. 10.000 hommes font partie des détachements de travail. Actuellement, au camp, tous les prisonniers dorment sur des couchettes. Les hommes ne peuvent rien acheter en dehors du camp et tous ont une assiette et une cuiller. Les effets d'habillement sont en bon état et les ateliers de réparation de vêtements et de chaussures fonctionnent journellement.

La propreté des cabinets d'aisance, qui sont du même système que dans d'autres camps, mais sans sièges individuels, nous a paru insuffisante.

Les prisonniers reçoivent le pain régulièrement et le Comité de Secours en accuse réception.

Dans chaque compagnie, il existe une cuisine où les prisonniers peuvent préparer leurs aliments.

Le service de la correspondance fonctionne très bien, et dix à douze jours s'écoulent entre le départ et l'arrivée du courrier.

Les prisonniers reçoivent des secours du Comité de Forez.

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NOMBRE DE PRISONNIERS NECESSITEUX - 1.000 environ.

L'état d'esprit des Français est bon et l'impression d'ensemble est favorable.

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L'hôpital réunit de très bonnes conditions d'hygiène; les prisonniers qui y sont en traitement se répartissent comme suit:
169 malades et 10 hommes pour les soigner, savoir:
3 sanitaires russes, 1 sanitaire français, 3 infirmiers russes, 3 infirmiers français.
5 médecins russes et 1 allemand.

Baraque I. - 49 Russes, 10 Français.................59
(2 sanitaires, 1 interprète)

Baraque II. - 48 Russes, 7 Français..................55
(1 sanitaire, 1 interprète)

Baraque III. - 49 Russes, 16 Français...............65
(1 interprète, 2 sanitaires)

Total 179

séparation Les cas de maladies se divisent en

Pneumonies 3
Bronchites 11
Pleurésies 12
Maladies de l'estomac et des intestins 11
Malaria 3
Grippe 6
Tuberculose 16
Erésipèle 2
Vénériens 5
Typhoïde 1
Blessures et maladies de peau 68
Rhumatismes 8
Affections du coeur 8
Affections du système nerveux/th> 3
Affection des yeux 7
Affection des oreilles 2
Amygdalites 3
TOTAL 169

Parmi les tuberculeux se trouve 3 Français. Outre les malades en traitement à l'hôpital, 25 prisonniers blessés sont soignés à l'hôpital de la ville avec quelques-uns des 15 Français qui ont des affections présentant une certaine gravité. Tous les malades sont satisfaits des soins dont ils sont l'objet et de l'alimentation.

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Mortalité depuis la création du camp, soit depuis le 23 août 1914:

Français Russes
Tuberculose 22 46
Pneumonie 9 11
Méningite 3 2
Maladie du coeur 4 3
Typhus abdominal 1 3
Débilité générale 2 0
Néphrite 1 4
Dysenterie 2 3
Entérite 2 6
"Gastropatias" 2 5
Autres maladies 10 3

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Le général placé à la tête du camp m'a fait savoir ce qui suit:
1° Aucun prisonnier ne doit payer le transport des colis, ni l'affranchissement de sa correspondance;
2° Il n'est fait aux prisonniers aucune retenue de salaires pour les effets, et le camp remet à chacun d'eux un costume, 2 caleçons, 2 chemises et 2 paires de bas;
3° Cela est interdit par le Ministère de la Guerre et le général ne sait rien du bulletin mentionné;
4° Cette punition est en remplacement de quatorze jours d'arrêts de rigueur infligés auparavant aux fugitifs, punition qui n'est plus maintenant que de 3 jours et toujours sous le contrôle du médecin;
5° La Commission les avait probablement reconnus inaptes;
6° Le théâtre a été fermé par ordre supérieur; il n'y a pas davantage d'espace disponible, car le terrain coûte très cher dans la région et les prisonniers ne lui ont rien dit au sujet du désir exprimé; il fera son possible pour leur donner satisfaction;
7° Les vols doivent être commis ailleurs ou au départ, et à plusieurs reprises des réclamations ont été faites à ce sujet;
8° Chaque délégué a une carte spéciale lui permettant d'entrer à la compagnie ou au camp où se trouve le Comité;
9° Dans chaque baraque il y a un nombre d'homme inférieur à celui qu'elle peut contenir;
10° Le général ne peut rien faire et il ne sait rien en ce qui concerne les représailles; il croit que les prisonniers sont transférés dans d'autres camps, parce que la place manque dans celui-ci.

La visite a eu lieu sans témoin et sans préavis. "

Sources

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¹ Rapport des Délégués du Gourvenement Espagnol sur leurs visites dans les camps des Prisonniers Français en Allemagne 1914-1917, Librairie Hachette, Paris, 1918, pages 163 à 166